7,6 millions d’euros : ce n’est pas la somme d’une cagnotte oubliée au fond d’un coffre, mais la moyenne perçue par les dirigeants du CAC 40 en 2023. À raison de quarante fois le salaire moyen d’un employé français, l’écart s’affiche sans fard. Le paradoxe s’accentue : certains PDG voient leur fiche de paie grimper de plus de 20 % en une année alors même que les performances boursières fléchissent. Les bonus s’envolent, les options sur actions suivent. Face à ces envolées, la régulation piétine, tandis que le débat social monte d’un cran.
Salaires des dirigeants en France : état des lieux et tendances récentes
Les montants touchés par les dirigeants français tutoient des plafonds rarement observés, tout en accentuant les disparités au sein du secteur privé. D’après Proxinvest, un PDG du CAC 40 a perçu en moyenne 7,1 millions d’euros en 2023, une légère baisse par rapport aux 7,9 millions de 2021. Pour le SBF 120, la moyenne atteint 4,3 millions, contre 4,5 millions deux ans auparavant. On assiste à une forme de stabilisation, après dix années marquées par une progression quasi continue.
Le contraste avec le reste de la population active reste vertigineux. Selon l’INSEE, un dirigeant d’entreprise française touchait en moyenne 49 220 euros par an en 2020. Des chiffres qui paraissent anecdotiques face aux sommets du CAC. L’ONG Oxfam pointe, de son côté, que les PDG du CAC 40 gagnent en moyenne 117 fois le salaire de leurs salariés. Pour donner une idée concrète de cette différence, le concept du High Pay Day, importé du High Pay Centre britannique, marque la date à laquelle un patron du CAC 40 a déjà perçu l’équivalent du salaire annuel moyen d’un salarié. En 2025, ce seuil sera atteint le 6 janvier à 16h49.
Indice | Moyenne (2023) | Moyenne (2021) |
---|---|---|
CAC 40 | 7,1 M€ | 7,9 M€ |
SBF 120 | 4,3 M€ | 4,5 M€ |
Si la rémunération des grands patrons reste élevée, on constate une montée en puissance des débats publics autour de ces écarts. Les analyses de Proxinvest et les campagnes d’Oxfam nourrissent une remise en question constante. Les entreprises, quant à elles, cherchent l’équilibre entre attractivité à l’international et attentes des actionnaires, sous le regard de plus en plus attentif de la société civile.
Qui sont les patrons les mieux payés et comment se justifient leurs rémunérations ?
Dans la galerie des hauts revenus, des noms s’imposent : Carlos Tavares, Bernard Charlès, Daniel Julien. L’exemple de Stellantis frappe les esprits : Carlos Tavares a touché 66,7 millions d’euros en 2021, dont seulement une petite partie en fixe. Le reste provient de primes de performance, bonus indexés sur la marge, incitations à la transition électrique et abondantes stock-options. Chez Dassault Systèmes, Bernard Charlès a perçu 46,8 millions en 2023. Daniel Julien, à la tête de Téléperformance, a reçu 10,8 millions la même année, après un sommet à 19,6 millions en 2021.
Pour mieux mesurer la disproportion, voici quelques ratios de rémunération PDG/salarié relevés dans les grandes entreprises françaises :
- Stellantis : écart de rémunération PDG/salarié à 280
- Téléperformance : 695
- Dassault Systèmes : 381
Pour défendre ces chiffres, les conseils d’administration avancent l’argument de la performance. Croissance du chiffre d’affaires, rentabilité, adaptation stratégique : chaque critère donne lieu à des rémunérations variables. Chez Stellantis, la conquête du marché électrique et la réussite de la fusion justifient la générosité des bonus. Chez Dassault Systèmes, le maintien du dirigeant clé passe par un arsenal de stock-options, censés accompagner la transformation numérique et l’expansion internationale.
La pression des actionnaires n’empêche pas la contestation, y compris au sommet de l’État. Emmanuel Macron a publiquement dénoncé la rémunération de Carlos Tavares, la jugeant « excessive ». Les écarts, de plus en plus voyants, suscitent le débat sur la cohérence sociale du système. Des chercheurs comme Olivier Godechot rappellent que ces incitations financières n’ont pas toujours l’effet escompté sur la performance à long terme.
Inégalités salariales : quels enjeux pour la société et le monde du travail ?
La fracture salariale s’élargit d’année en année. Proxinvest dénombre 7,1 millions d’euros de rémunération moyenne pour les PDG du CAC 40 en 2023. Dans le SBF 120, le chiffre descend à 4,3 millions. L’INSEE rappelle que, pour la majorité des dirigeants d’entreprise en France, le salaire moyen plafonne à 49 220 euros. Les écarts se durcissent. Selon Oxfam, le ratio entre le patron et le salarié moyen du CAC 40 s’établit à 117. Chez Téléperformance, il atteint 695. La logique de rémunération ne se limite plus à la performance individuelle : elle façonne désormais une dissymétrie profonde entre les élites et le reste du salariat.
Quelques chiffres illustrent cette dynamique :
- 76 % des bénéfices du CAC 40 sont reversés en dividendes en 2022
- Les salaires des dirigeants ont progressé trois fois plus vite que ceux des salariés
- La moitié des primes sont indexées sur les résultats financiers à court terme
Face à ces constats, la société française s’interroge sur la validité de ces disparités. Les salariés perçoivent un message limpide : la création de valeur bénéficie à une minorité, pendant que la majorité voit son pouvoir d’achat stagner. Cela alimente les tensions sociales, mine l’engagement des équipes. Le High Pay Day, concept britannique adopté en France, matérialise ce déséquilibre : en 2025, le 6 janvier à 16h49, un patron du CAC 40 aura déjà engrangé le salaire annuel moyen d’un salarié, selon Oxfam.
Ce contexte place la gouvernance d’entreprise sous le feu des projecteurs. Les actionnaires eux-mêmes sont parfois tiraillés entre le souci de rentabilité et la nécessité de préserver la cohésion sociale. Le cœur du débat n’est plus seulement une question de montants, mais de partage de la valeur, de capacité à restaurer le lien au sein des organisations, d’intégration d’une dimension sociale aux logiques économiques.